interview Frédéric Ovadia, naissance nouvelle conception édition

Frédéric Ovadia, éditeur indépendant et innovant (1/3)

Naissance d'une nouvelle conception de l'édition

Pour inaugurer le lancement de la collection Nouvelles Pensées Entrepreneuriales – créée par Optim’ease, en partenariat avec Les éditions Ovadia – Frédéric Ovadia, éditeur indépendant et innovant, a accepté de répondre à notre interview.

Dans ce premier volet, il raconte comment il en est venu à créer une maison d’édition avec un nouveau modèle économique.

Delphine Kieffer : Qu’est-ce qui vous a amené à créer Les éditions Ovadia ?

Frédéric Ovadia : Je n’ai jamais songé à être éditeur. J’ai suivi des études de médecine et de psychologie et je me suis intéressé à la communication. J’ai fait de la recherche sur la thématique de la pensée.

En 2003, alors que je menais des recherches en sciences cognitives, j’ai rencontré le professeur André Giordan, fondateur du laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences de Genève, qui travaillait sur l’approche systémique dans l’apprentissage. Il m’a recommandé auprès d’un professeur, qui défend l’idée qu’il y a une mathématique de la pensée.

J’ai travaillé avec lui pendant 5 ans. Le prix à payer était de créer une maison d’édition, ce que j’ai fait pour lui faire plaisir ! La maison d’édition s’est d’abord appelée « Les Paradigmes ».

En 2006, lors d’un colloque de Mouans-Sartoux « Art, sciences et pensée » qui rassemble de grands intellectuels, j’ai rencontré Boris Cyrulnik, ainsi que le professeur Jean-François Mattéi, grand philosophe, qui m’a proposé comme nom « Les Editions Ovadia ».

Entre 2004 et 2010, je n’ai édité que sept livres. Le premier livre était « L’énigme de la pensée » de Jean-François Mattéi (2006).

Mon idole à l’époque était Thierry Gaudin, auteur de « 2100, Récit du prochain siècle » (Payot, 1990). Je l’ai rencontré en lui disant que j’étais fan de lui. Il m’a alors donné deux livres à éditer : « Prospective des religions » (2006) et « Pensée, modes d’emploi » (2008). Et il m’a un peu provoqué en me disant qu’il ne fallait pas faire de l’édition en amateur…

« Tout est donc parti de là, de ma rencontre avec des intellectuels, des chercheurs, dans un monde qui touche à la science, à la recherche, à ce que l’on appelle les sciences humaines en général. »

Au moment où l’on me parle d’édition en 2006, je viens de créer une imprimerie spécialisée dans la carte à parfum. Je retrouve alors un ami imprimeur qui utilisait une HP indigo. Je comprends qu’avec cette machine, une révolution est en marche, parce qu’elle permet de faire des tirages de 150 ou 200 exemplaires et de s’affranchir des problèmes techniques de calage que l’on a avec l’offset.

Des fabricants de photocopieurs ont essayé d’entrer dans le marché de l’impression au volume, mais en conservant l’encre en poudre. Ils se sont approprié le mot « numérique » parce que ce terme est associé à une certaine qualité. Or, il est impossible d’obtenir de la qualité avec de la poudre. C’est la technique du laser qui a apporté de la qualité à l’impression numérique.

N’oublions pas que l’édition est partie des techniques de l’impression et de la composition. Avant, on composait une page avec des lettres en plomb (linotypie), ce qui nécessitait des heures de travail !

Un premier tirage d’usage de 1500 exemplaires était imposé dans les contrats d’édition afin d’avoir un tirage économique de l’utilisation de la machine. Toute la profession a été pensée selon cette contrainte industrielle et non sur la réalité de l’objet même. C’est là tout le problème de l’édition.

C’est ce qui m’a conduit à devenir éditeur. Je me suis dit :

« Soit je renouvelle les modes de l’édition,
soit je ne fais rien. »

J’ai donc essayé de créer un nouveau modèle économique. Cela paraissait impossible, mais j’y suis arrivé quand même. Voilà pourquoi je suis dans l’édition.

D.K. : Quel a été votre parcours d’éditeur ?

Frédéric Ovadia : Il faut d’abord comprendre ce qu’est l’édition. L’édition est abordée selon deux grands axes : la réalité économique et l’implication personnelle et émotionnelle dans la création du produit. Aujourd’hui, est-il possible de concilier les deux ?

Dans mon parcours d’éditeur, j’ai d’abord cherché à comprendre les rouages de l’édition et de tous les métiers afférents. Une poignée de personnes a déjà tout écrit sur la façon dont devrait fonctionner l’édition. Alors, cela vaut-il le coup de se lancer dans une aventure déjà écrite ? Comment changer les choses dans l’édition ? Comment rester libre, autonome ? Comment pratiquer ce métier avec le plus de professionnalisme, de déontologie et de réalité ?

Cela amène à se poser la question « qu’est-ce qu’un éditeur ? » Mon référent est Edmond Charlot, parce qu’il représente un symbole : il a le pouvoir de voir en l’autre ce qui est à dire. C’est lui qui a découvert Albert Camus. Il l’a fait travailler, il l’a engueulé, il l’a poussé dans ses retranchements. Et quand Camus a écrit un premier livre, Edmond Charlot a hypothéqué sa propre maison pour le faire éditer ! Cette volonté de transmettre le savoir des autres est extrêmement noble. L’éditeur est là pour accompagner l’auteur. Etre éditeur, c’est beaucoup d’altruisme, d’abnégation, d’amour de l’autre et de volonté de transmission.

Malheureusement, bon nombre d’éditeurs en sont l’antithèse ! Profitant bien souvent du prestige de leur marque, certaines maisons d’édition « affament » leurs auteurs pour que ces derniers donnent le meilleur d’eux-mêmes.

Le problème de l’édition aujourd’hui réside dans ce rapport de force, qui s’est installé entre l’auteur et l’éditeur, sous couvert de contraintes industrielles. Il faut que ça change ! Il nous faut entrer dans un monde plus éthique, plus égalitaire, plus synergique. 

« Aujourd’hui l’éditeur et l’auteur doivent travailler ensemble,
être de vrais partenaires »

Voilà mon approche, mes valeurs.

De fait, l’auteur et l’éditeur forment une réalité économique. Ils gagnent la même somme. L’auteur vient avec son œuvre et l’éditeur investit une somme d’argent, estimée à 10.000 € minimum pour un parcours d’édition cohérent, et pouvant aller jusqu’à un million d’euros. Cela donne une certaine valeur au travail de l’auteur. Les relations entre l’auteur et l’éditeur devraient donc susciter un peu plus de générosité, d’attention et de respect l’un envers l’autre.

Mais bien souvent, c’est plutôt une espèce de haine puérile qui s’est installée entre eux, depuis plus d’un siècle. Si un livre ne marche pas, c’est toujours la faute de l’éditeur !

D.K. : Pourquoi avoir choisi les domaines des sciences humaines, de la philosophie, de la littérature et de l’art, pour votre maison d’édition ?

Frédéric Ovadia : L’exigence littéraire est liée à mon éducation, dont la barre était haut placée, ainsi qu’à ma formation professionnelle.

Je me suis donc lancé dans l’édition avec la volonté de publier des auteurs de très haut niveau dans le domaine des sciences humaines, de la philosophie et de la littérature.

L’art est venu par hasard, lorsque j’ai eu l’opportunité d’éditer des ouvrages de l’école de Nice. Je n’ai pas de compétences spécifiques en art, mais je m’y intéresse, car l’art est essentiel d’un point de vue pédagogique.

D.K. : Quelles valeurs souhaitez-vous porter au travers des livres que vous éditez ?

Frédéric Ovadia : Avoir l’esprit critique. Se poser des questions. Etre dans le libre arbitre. Transmettre le savoir. Avoir une manière de se comporter dans la vie, avec soi-même, avec les autres. Je préfère l’éthique à la morale. J’essaie de transmettre des valeurs universelles qui rassemblent les humains : la vérité, le dialogue, la générosité, l’harmonie, la liberté, l’humilité.

L’interview complète

Frédéric Ovadia, éditeur indépendant et innovant

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L’automatisation du digital n’est qu’un moyen technique et non une fin en soi. Si le progrès technologique représente une opportunité pour les entreprises, la transformation numérique ne doit cependant pas se faire au détriment des personnes.

« La vitesse imposée par le numérique aujourd’hui inhibe une grande partie de notre réflexion et donne bien plus de poids à la masse statistique qu’à l’introspection. »

Cette citation extraite du livre de Yannick Meneceur, dans son ouvrage L’intelligence artificielle en procès (éd. Bruylant, 2020), nous a encouragé à créer un groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital.

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