02 Juil Pollution numérique et Intelligence Artificielle : comment réduire l’empreinte carbone ?
Lorsque vous surfez sur Internet, en un an, vous produisez autant de CO2 que lorsque vous parcourez 1400 km en voiture… Avec le développement de l’Intelligence Artificielle, les risques augmentent de façon exponentielle ! Pour éveiller les consciences sur la pollution numérique et montrer des pistes d’amélioration, Didier AIT a donné une conférence sur le sujet, dans le cadre de l’événement A.I_Now 2021. Voici ce qu’il faut en retenir.
Le numérique n’a absolument rien de virtuel, comme on a tendance à le penser, et son impact sur la pollution de l’environnement est bien réel. Chaque composant matériel ou logiciel consomme de l’électricité et produit des gaz à effet de serre en grande quantité.
Lorsque l’on aborde la question de l’impact écologique de l’Intelligence artificielle, ce sont en réalité toutes les composantes de l’univers numérique qui doivent être prises en compte. Car l’IA ne se résume pas à un algorithme. Elle entraîne dans son sillage tout le réseau internet, le cloud, les datacenters, les serveurs, les ordinateurs et le big data.
Si aucune mesure n’est prise dès aujourd’hui pour réduire l’empreinte carbone du numérique, le développement de l’Intelligence Artificielle risque bien d’aggraver la pollution de l’environnement.
Que consomme le numérique ?
Le numérique est responsable aujourd’hui de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et la forte augmentation des usages laisse présager un doublement de cette empreinte carbone d’ici 2025.
Un utilisateur qui envoie en moyenne 20 e-mails par jour sur une année, émet autant de CO2 que s’il avait parcouru 1000 km en voiture.
Un très gros datacenter qui tourne en permanence, frôle les 100 millions de watts, soit un dixième de la production d’une centrale thermique !
Pourquoi l’utilisation d’internet nécessite-t-elle autant d’électricité ?
Cette consommation excessive d’électricité est en partie due à des problèmes structurels ou de conception.
Les infrastructures web sont surdimensionnées pour répondre à des pics d’utilisation. Un routeur fonctionne en général à 60% de ses capacités. Même inactifs, ces équipements continuent de consommer, et rien n’est prévu pour les éteindre aux heures creuses !
Les applications installées sur nos smartphones sont trop souvent développées à la va-vite pour pouvoir être mises rapidement sur le marché. Peu optimisées, elles peuvent vider une batterie en une journée, ce qui impose des recharges fréquentes.
Les box Internet installées à domicile fonctionnent jour et nuit. La raison ? Elles mettent en général 90 secondes à s’allumer, s’initialiser et se connecter. Les fournisseurs estiment que les consommateurs n’ont pas la patience d’attendre ce laps de temps pour allumer leur box chaque jour.
La fabrication d’un ordinateur de 2 kg mobilise 600 kg de matière première, ce qui représente 103 kg de CO2 pour sa fabrication, et jusqu’à 156 kg de CO2 si l’on considère l’ensemble de son cycle de vie. Paradoxalement, plus on « dématérialise », plus on utilise de matières premières.
L’IA : performante, mais gourmande en ressources
Pour faire tourner les applications d’intelligence artificielle, les besoins énergétiques décuplent… C’est pourquoi il est fondamental de trouver des solutions moins énergivores pour son développement.
Avec l’IA, les capacités de calcul et la quantité de données augmentent de façon exponentielle : le nombre total de données double ainsi tous les 2 ans. De 2012 à 2018, le nombre de calculs nécessaires au deep-learning a augmenté de 300.000 %.
La société Open AI, qui développe des algorithmes de génération automatique de textes et de conversations interactives, a sorti en 2019 le programme GPT-2 qui comptabilisait alors 1,5 milliard de paramètres. Deux ans après, le programme GPT-3 compte 175 milliards de paramètres, ce qui en fait le plus grand modèle au monde.
Des chercheurs du MIT ont estimé l’empreinte carbone des quatre modèles les plus sophistiqués de l’IA (GPT-2, BERT, ELMo, Transformer). Leurs conclusions sont sans appel : l’entraînement d’un modèle peut générer environ 282 tonnes d’équivalent CO2, soit cinq fois plus qu’une voiture américaine durant tout son cycle de vie.
Comment réduire la pollution numérique ?
Pour réduire la pollution numérique due à l’utilisation et à l’entraînement des IA, et plus généralement aux technologies numériques, il est possible d’agir à plusieurs niveaux.
1. Concevoir des algorithmes d’IA où la performance n’est pas le seul critère de qualité
L’efficacité énergétique peut varier fortement d’un algorithme à un autre. Tout dépend de sa conception. Pour un résultat similaire, on peut limiter le nombre de calculs dans l’algorithme, et donc la consommation énergétique.
2. Améliorer les processeurs
Au cours de la dernière décennie, l’augmentation des calculs machines dédiés à l’apprentissage profond, a amené les constructeurs de matériel informatique à créer des processeurs adaptés à ce type de calculs, qui sont beaucoup moins énergivores. C’est le cas d’IBM avec ses nouveaux processeurs (Power System).
3. Sensibiliser et former les développeurs d’applications
L’utilisation de générateurs de code pour développer plus rapidement une application est à éviter, car elle alourdit la facture énergétique et n’est pas forcément un gage de qualité. Aussi, pour développer des programmes et des algorithmes moins gourmands, il est nécessaire de sensibiliser et former les développeurs.
4. Optimiser la consommation énergétique des datacenters
Les datacenters pour le cloud étant beaucoup plus écoénergétiques que par le passé, l’explosion tant redoutée de leur consommation d’énergie n’a pas eu lieu. La consommation d’énergie n’a augmenté que de 6 % par rapport à 2010, malgré une croissance exponentielle de la capacité de calcul qui est de 550 % sur la même période.
5. Opter pour les éco-énergies
Pour réduire la consommation électrique d’une IA au moment de sa phase d’apprentissage, il est utile de le faire dans un pays qui produit de l’énergie verte, tel que l’Estonie, la Finlande ou la Suède, où l’empreinte carbone peut être réduite de plus de 60 fois.
6. Favoriser les nouvelles technologies (photons) pour transporter les données et leurs cryptages
Les technologies optiques révolutionnent aujourd’hui l’industrie numérique. Elles permettent des traitements plus rapides et moins énergivores que celles utilisées actuellement.
L’informatique quantique est capable de réduire de manière significative le nombre de calculs pour résoudre des problèmes mathématiques.
La photonique est en mesure de relever le double défi auquel est confronté le secteur des TIC, à savoir augmenter la bande passante, tout en réduisant la consommation d’énergie et l’impact environnemental.
7. Utiliser des logiciels mieux conçus et moins énergivores
Le logiciel Carbontracker a été développé pour mesurer l’impact environnemental des applications utilisant de l’IA et encourager l’utilisation de celles qui ont l’empreinte carbone la plus faible.
8. Privilégier l’utilisation de logiciels libres aide à réduire la pollution numérique
Les logiciels libres contribuent au développement d’une informatique plus durable. En effet, ils permettent :
• De développer des applications avec une meilleure optimisation technique et donc une meilleure efficacité énergétique ;
• De s’approprier une application et de la faire évoluer selon ses propres besoins ;
• D’éviter les contraintes imposées par des éditeurs d’applications, qui incitent souvent au renouvellement prématuré d’un matériel.
9. Utiliser un internet plus light tel que le Slow Web
Le Slow Web est un web plus frugal qui vise à augmenter ses performances tout en limitant sa consommation énergétique. Pour en savoir plus sur ce concept, lire notre article Slow web, pour un web éthique et écologique
10. Favoriser le recyclage du matériel informatique
Sachant qu’il faut en moyenne mobiliser de 50 à 350 fois leur poids en matières premières pour produire des appareils électriques à forte composante électronique, comment arriver à enrayer cette surproduction ? Pour réussir ce pari, il faut favoriser le recyclage de matériel informatique, et combiner d’autres actions, telles que dénoncer et agir concrètement sur l’obsolescence programmée des matériels.
Une nécessaire prise de conscience collective pour diminuer la pollution numérique
Vous l’aurez compris, les enjeux associés à un numérique plus vert ne sont pas anodins. L’émergence dans notre sphère privée et professionnelle de l’IA, du Big Data, des objets connectés, n’a rien de virtuel : leur impact écologique sera de plus en plus conséquent.
Il est de notre devoir d’appréhender dès maintenant une nouvelle posture pour faire face à cette inflation galopante du numérique, en optant pour l’écoconception des logiciels et des matériels, et en modifiant nos comportements d’utilisateurs.
C’est donc par une prise de conscience collective, que des mesures pour réduire la pollution numérique doivent être prises : éditeurs de logiciels et fabricants de matériels électronique et informatique sont les premiers concernés, sans oublier le consommateur qui reste la clé de voûte du système.
Cette prise de conscience collective doit favoriser une éducation et un apprentissage adaptés pour réduire les risques de pollution environnementale liés aux technologies du numérique et aux usages du digital.
Didier Aït, conférencier
Président de la société Optim’ease spécialisée dans l’Assistance à maîtrise d’ouvrage, Didier Aït accompagne avec son équipe, les PME-PMI-ETI dans leur transformation digitale, pour relever les défis technologiques présents et à venir.
Auteur de l’ouvrage « Intelligence Artificielle : ce qui va changer dans nos vies professionnelles » (éd. Ovadia, 2019), il propose régulièrement des conférences sur les thèmes de l’Intelligence artificielle, du management et de l’éthique.
Voir aussi
Guide technique
La face cachée du numérique, ADEME, janvier 2021. Voir
Dossier
L’écologie numérique : infographie, chiffres-clés et conseils pour une dématérialisation plus verte, Archimag, n°329, novembre 2019. Voir
Articles
La sobriété numérique, oui mais pour quoi faire ? Blog « Signal », 15/07/2020. Lire
Slow web : pour un web éthique et écologique, Fabrice Fetsch, 14/05/2021. Lire
Participer au groupe de réflexion
Ethique & Digital
L’automatisation du digital n’est qu’un moyen technique et non une fin en soi. Si le progrès technologique représente une opportunité pour les entreprises, la transformation numérique ne doit cependant pas se faire au détriment des personnes.
« La vitesse imposée par le numérique aujourd’hui inhibe une grande partie de notre réflexion et donne bien plus de poids à la masse statistique qu’à l’introspection. »
Cette citation extraite du livre de Yannick Meneceur, dans son ouvrage L’intelligence artificielle en procès (éd. Bruylant, 2020), nous a encouragé à créer un groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital.
Pour participer au groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital, nous vous invitons à vous préinscrire ci-dessous.
Lionel Kerrello
Publié à 17:28h, 07 juilletExcellent article qui met en avant de nombreuses défaillances !
Actuellement nous travaillons sur l’IA embarquée sur des Satellites ce qui nécessite un moindre coût en énergie…
Peut-être est-ce une piste à suivre…
Rien que le fait de conserver les mails nous coûte ! (Désolé Microsoft…)
À méditer !