vision stratégique, méthode socratique

Elaborer une vision stratégique avec la méthode socratique

Dans la course à la rentabilité immédiate, les entreprises mènent des actions tactiques à court terme au détriment d’une vision stratégique globale, pourtant nécessaire à leur pérennisation. Mais pour définir les grands axes de leur stratégie et donner du sens à leurs actions, les dirigeants sont-ils prêts à mener une réflexion de fond ? La méthode socratique, basée sur la dialectique, peut les y aider.

Moins vite, plus loin… La nécessaire vision du dirigeant

Le culte de l’urgence est devenu la maladie de notre siècle. Les entreprises s’engagent très souvent sur des actions à court terme qu’elles mènent dans l’urgence, pour essayer d’obtenir des résultats immédiats. Or, penser et agir de la sorte, donne seulement l’illusion de maîtriser le présent.

Les actions de communication engagées par les entreprises illustrent bien cette approche « court-termiste ». Les entreprises communiquent beaucoup, mais sans vision ni stratégie. Elles s’emparent des technologies de l’internet, du web et des mobiles, en optant pour des tactiques qui répondent à la logique des algorithmes (de Google, LinkedIn ou Facebook…), et en mesurant leurs succès aux nombres de clics, de « j’aime » et de visiteurs sur leur site web. Seulement, les règles des algorithmes changent en permanence, faisant des GAFAM et autres licornes du numérique, les véritables maîtres du jeu.

La prédominance des actions tactiques fait oublier au chef d’entreprise la nécessité de construire en parallèle une vision et une stratégie globale pour engager des actions sur le plus long terme. Or, c’est grâce à une vision sur le long terme que le dirigeant peut établir un cap et définir les grands axes de sa feuille de route. C’est ainsi qu’il pourra passer les crises à répétitions et préserver les orientations choisies.

Cela peut sembler curieux dans une démarche entrepreneuriale, mais la vision est irrationnelle. Elle repose à la fois sur les rêves du chef d’entreprise et sur l’état futur souhaité de sa société. Que sera son organisation dans 10 ou 15 ans ? Cette association « rêve et pragmatisme » amplifie la densité de la vision du dirigeant. Elle lui donne une force de propositions suffisamment inspirante pour mobiliser l’ensemble des énergies nécessaires à sa mise en œuvre.

Pour le chef d’entreprise, la vision lance un défi, motive, donne une direction, aide à faire des choix et simplifie la prise de décision. Car rien n’est plus angoissant que de ne pas savoir où l’on va !

La vision représente en même temps un formidable outil pour manager et rassurer les équipes, qui peuvent alors se projeter. Il est donc important que le dirigeant communique sa vision d’entreprise pour créer un horizon partagé et coordonner les efforts de chacun. L’entreprise forme un groupe social très diversifié. Aussi, une vision sur le long terme est-elle essentielle pour créer une identité collective et garantir la cohérence du groupe.

Enfin, la vision apporte à l’entreprise un facteur différenciant qui incite les collaborateurs à rester volontiers dans leur emploi, ce qui évite un turn over de son personnel.

Méthode socratique, vision stratégique, vision long terme

L’humanisme pratique : entre réalité économique et solidarité humaine

L’époque des certitudes est révolue ! En ce XXIe siècle, les entreprises évoluent dans un environnement mouvant et difficile, où l’humain devient leur principale ressource. Le temps où les dirigeants et les managers pouvaient s’appuyer uniquement sur leurs expertises métiers, est terminé. Pour légitimer leurs rôles, les chefs d’entreprise doivent prendre en compte de nouveaux facteurs, tels que le télétravail et l’accès des salariés à un plus grand nombre d’informations, ainsi qu’à des systèmes intelligents. Ils doivent aussi s’approprier de nouvelles approches, dans une visée de transformation (innovante et créative) tout en intégrant les contraintes historiques (économiques, sociales, politiques) de leurs entreprises. Ces situations humanistes modifient considérablement la relation gouvernance / managers / collaborateurs.

Cette nouvelle posture du dirigeant doit le soumettre à une exigence critique et lucide, car il existe bel et bien un conflit entre économie et humanisme. L’économie mondiale contemporaine se présente comme un ensemble de sous-systèmes inégaux et de relations entre des institutions dominantes et dominées. Elle est fondée sur des rapports de force (ceux de la concurrence notamment). Il s’agit d’un passage obligé pour affronter les changements continuels. Si notre analyse se focalise sur la primauté de l’économie, par excès de cynisme, on court le risque d’un monde déshumanisé, inégalitaire, dominé par la solidarité entre les patrons et les actionnaires. Si notre analyse se focalise sur la primauté du philosophique, par excès d’idéalisme, on compromet la viabilité des entreprises trop préoccupées de morale, là où priment les mécanismes industriels et financiers.

Or, on sait de quel côté penche l’histoire contemporaine : l’angle économique est qualifié de réaliste, tandis que l’angle philosophique est qualifié d’utopique. Entre les deux, l’orientation théorique la plus pertinente tend vers un « humanisme pratique », c’est-à-dire soutenu par une logique d’actions. C’est l’essence même de la démarche d’Optim’ease de parvenir à un humanisme pratique au sein de l’entreprise, encouragé par le leadership de son dirigeant.

Accompagner le dirigeant avec la méthode socratique

Avec un programme d’accompagnement inspiré de la méthode socratique dans son déroulement, le dirigeant est amené à se projeter sur le long terme et à créer sa propre vision. Il peut ainsi acquérir les moyens d’anticiper les changements et de décider en tenant compte des évolutions technologiques, environnementales et sociétales liées à son écosystème.

Pour construire sa vision, le dirigeant doit être prêt à décider et à agir, et surtout, il doit être conscient de ses propres faiblesses. Le programme d’accompagnement contribue à mettre en relation une démarche d’introspection vers une démarche d’actions sur les court, moyen et long termes. Ce travail amène à gérer les changements nécessaires pour atteindre ces nouveaux objectifs. Mais le changement ne se décrète pas, il se communique. On connaît le coût social et économique d’une communication interne déficiente : blocages divers, rétention d’informations, démotivation… La gestion du personnel et la communication interne doivent être étroitement liées dans une perspective d’accompagnement d’évolution et de changement.

Pourquoi Socrate ?

Selon le philosophe antique, l’important n’est pas le savoir, mais la capacité à se poser les bonnes questions et à trouver des réponses pour tracer le meilleur chemin vers la réussite. Socrate pratiquait la dialectique, qui consiste à engager un dialogue avec soi-même afin de mettre en cohérence ses idées et ses actions.

La recherche de la perfection peut nous empêcher de passer à l’action. Par exemple, le dirigeant peut avoir en tête un nouveau projet pour son entreprise, mais tant qu’il n’a pas la maîtrise complète de sa mise en oeuvre, il va rester bloqué et ne parviendra jamais à le concrétiser. Selon Socrate, le dialogue doit permettre d’affronter nos craintes pour les dépasser, et de remettre en cause nos erreurs pour avancer et se réaliser.

C’est le rôle d’un consultant d’ouvrir le dialogue avec le dirigeant qu’il accompagne pour le guider dans sa quête de changement. Le consultant, qui maîtrise parfaitement l’art du questionnement et de l’écoute, adopte une posture « d’accompagnant » et non de « sachant ». Il n’apporte pas de solutions prédéfinies, mais aide le chef d’entreprise à trouver ses propres réponses.

La dialectique : l’art de se poser les bonnes questions

Inventée par Socrate, la dialectique consiste à instaurer un dialogue avec soi-même pour aligner ses pensées avec ses actions. La dialectique propose deux chemins : le premier nous conduit à définir notre propre pensée, à la clarifier ; le second nous amène à la vérifier par la mise en œuvre d’actions.

Pour définir notre propre pensée (premier chemin), Socrate préconise de fonctionner par analogies. L’analogie consiste à établir des comparaisons entre des phénomènes et à y trouver certaines ressemblances. Cela permet d’accéder à de nouvelles grilles de lecture et apporter une vision nouvelle des choses. Souvent faite d’images ou de symboles, l’analogie permet aussi de mieux communiquer.

Pour vérifier notre pensée par l’action (second chemin), Socrate invite à mettre en pratique l’élément nouveau à petite échelle (une découverte, une innovation, une invention), puis à vérifier dans un second temps si le concept peut être reproductible à plus grande échelle et devenir un outil, une méthode ou une loi universelle.

La finalité de la dialectique est d’emprunter des chemins singuliers, libérés de l’influence de l’environnement, pour mener des actions réfléchies au service de l’homme et du bien commun. « La précipitation est le signe de ceux qui veulent échapper à eux-mêmes », dit Socrate. Selon le philosophe, l’individu doit « moins se préoccuper de ce qu’il a, que de ce qu’il est. »

Méthode socratique, vision stratégique, vision long terme

Les trois phases de la méthode socratique

La méthode socratique se déroule en trois étapes : l’exhortation, la réfutation et la maïeutique. Pour résumer en termes concrets, il s’agit de reconnaître nos erreurs (exhortation), de se débarrasser des idées erronées (réfutation), et de prendre conscience de nos connaissances (maïeutique).

« Sans confrontation, nul ne peut apprendre ni se perfectionner en quoi que ce soit. »

L’exhortation : reconnaître nos erreurs
Deux chemins se présentent à nous : le premier consiste à ne pas assumer nos erreurs, nos ignorances, et à nous justifier, en voulant prouver quelque chose. Le second consiste à accepter ce que nous sommes, à admettre que l’on ne sait pas et à décider d’agir pour avancer.

Dans la phase de l’exhortation, Socrate nous invite à un examen de conscience pour reconnaître et assumer nos idées erronées et faire le constat de nos ignorances.

La réfutation : se débarrasser des idées erronées
La seconde phase est celle de la réfutation ou « purification de l’ignorance ». Elle vise par le dialogue, à nous débarrasser de nos idées erronées, de nos préjugés ou de nos pseudo-connaissances. C’est une confrontation à soi-même, qui sème le doute sur ce que l’on croyait savoir. En clarifiant ainsi notre pensée, nous sommes en capacité d’avoir une vision et de l’intuition.  

L’intuition est la « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l’expérience » (Dict. Larousse). Le génie militaire de Bonaparte reposait en grande partie sur son intuition ; il avait cette faculté de s’abstraire du principe de réalité et de ne pas douter.

La pensée intuitive est utile à la créativité, à l’action et à la prise de décision. Toutefois, lorsqu’un dirigeant ou un leader a une intuition, il doit la formuler, la vérifier (si possible) et la mettre à l’épreuve avant de la valider. « C’est le rôle de la dialectique de faire de l’intuition une connaissance, intégrée à notre conscience. Elle permet de la vérifier et de la traduire », explique le philosophe Fernand Schwarz.

La maïeutique : prendre conscience de nos connaissances
« La maïeutique est la science de soi ». Cette 3ème étape de la méthode socratique propose d’amener un interlocuteur à prendre conscience de ce qu’il sait implicitement, à l’exprimer et à le juger. Le pédagogue ne peut donner à l’autre ce qu’il ne possède pas. Il peut néanmoins l’aider à exprimer ce qu’il est.

La méthode socratique apporte une réelle valeur aux missions du consultant-accompagnant. En l’utilisant, le consultant permet au dirigeant de se poser les bonnes questions, d’écarter les craintes et les doutes qui l’empêchent d’avancer, de forger sa propre pensée, d’avoir une vision sur le long terme et de trouver soi-même des solutions adaptées et innovantes.

En savoir plus

Ouvrage
La Sagesse de Socrate, Philosophie du Bonheur, Fernand SCHWARZ, Éditions Viamedias, 3ème édition, 2013, 125 pages.
Voir un extrait 

Emission radio
Comment l’analogie structure-t-elle notre pensée ? France Culture, dans l’émission « Science publique » de Michel Alberganti, 05/04/2013. 58 mn.
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Participer au groupe de réflexion

Ethique & Digital

L’automatisation du digital n’est qu’un moyen technique et non une fin en soi. Si le progrès technologique représente une opportunité pour les entreprises, la transformation numérique ne doit cependant pas se faire au détriment des personnes.

« La vitesse imposée par le numérique aujourd’hui inhibe une grande partie de notre réflexion et donne bien plus de poids à la masse statistique qu’à l’introspection. »

Cette citation extraite du livre de Yannick Meneceur, dans son ouvrage L’intelligence artificielle en procès (éd. Bruylant, 2020), nous a encouragé à créer un groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital.

Pour participer au groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital, nous vous invitons à vous préinscrire ci-dessous.

1 Commentaire
  • Sophie
    Publié à 08:07h, 19 mai

    « Dans la course à la rentabilité immédiate, les entreprises mènent des actions tactiques à court terme au détriment d’une vision stratégique globale’ – au détriment d’une réflexion sur la probité de ses dirigeants conviendrait peut-être mieux? (ou au détriment d’une réflexion tout court – cf les théories néo institutionnelles.

    Il a dû échapper à notre sagacité collective que le Ministère de l’Education Nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche avait procédé à la reconnaissance suivante:
    Ecole d’ingénieur + MBA = doctorat en philosophie.

    A moins qu’il ne soit donné d’accéder à des images de la bibliothèque personnelle de l’auteur de l’article pour pouvoir attester de l’étendue de ses connaissances et lectures philosophiques ?
    …. De l’indispensable étape de l’exhortation.
    Nous renverrons l’auteur à la lecture indispensable de François DUPUY et de son ouvrage, ‘la faillite de la pensée managériale’ et du rôle joué par les ‘Business Schools’ dans cette faillite et cette paresse intellectuelle.