Anaïs Voy Gillis, réindustrialisation des territoires

La réindustrialisation des territoires : un effet de levier pour maintenir les entreprises dans la course des nouveaux marchés porteurs

Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie et géopolitique, a abordé les questions de la réindustrialisation des territoires, lors de la conférence du C2IME qui s’est tenue à Metz le 20 juillet 2021. Didier Aït, président d’Optim’ease, a animé cette rencontre. En voici le compte-rendu des échanges.

DIDIER AIT : Je vous remercie de venir partager votre réflexion sur « La réindustrialisation des territoires ». Nous avons pu observer depuis mars 2020, une prise de conscience collective à la nécessité de reconquérir une partie de notre autonomie industrielle. Plus d’un an après le début de la crise, la volonté de réindustrialiser la France et l’Europe demeure intacte. De la même manière, les consommateurs réaffirment, sondage après sondage, leur volonté d’acheter plus de produits fabriqués en France et demandent plus de transparence sur l’origine de ces produits. Enfin, l’autre enjeu de cette renaissance industrielle est de transformer notre système dont la crise a montré son essoufflement.

Ma première question porte sur les leçons que nous pouvons tirer de la crise du COVID-19 : appelle-t-elle à revoir nos modèles de production et nos modèles d’affaires, et peut-être aussi à plus de transversalité ?

ANAÏS VOY-GILLIS : Cette crise nous a montré, avec une violence inouïe, la dépendance de la France.

Une dépendance productive d’abord : la crise a démontré que l’on ne produisait plus sur le sol national des biens de première nécessité tels que les masques, le gel ou les respirateurs… Bien que de nombreux industriels se soient rapidement mis en mouvement pour répondre à la demande, la situation a provoqué un traumatisme collectif : en effet, voir des médecins en surblouses d’hôpital confectionnées avec des sacs poubelles a donné une image assez délétère de la situation industrielle française.

Une dépendance numérique ensuite : tous les supports utilisés pour le télétravail, tels que les applications de visioconférence (Teams, Zoom…) ne sont pas des solutions françaises ou européennes, mais des solutions américaines. A l’heure où tout le monde parle de réindustrialiser la France et d’industrie du futur, les solutions numériques proposées aux industriels constituent un enjeu majeur dans la reconquête de notre indépendance, tout comme les infrastructures. La crise a ainsi soulevé une autre question :

La France et le continent européen
sont-ils capables de conserver leur souveraineté ?

La souveraineté n’est pas quelque chose qui « se décide ». Elle dépend notamment de nos capacités à s’approvisionner en matières premières. Si cette prise de conscience est brutale, elle n’a en fait rien de nouveau. Le rapport Gallois de 2012 avait déjà alerté sur la situation industrielle de la France.

Pour rappel, un emploi direct dans l’industrie génère 3-4 emplois indirects à proximité, notamment dans les services à l’industrie, mais également les services de proximité. L’industrie est le seul secteur d’activités capable de générer autant d’emplois sur l’ensemble d’un territoire. Elle peut permettre de créer des emplois en dehors des métropoles, notamment dans les petites et moyennes villes.

Avec la pandémie, tout le monde s’est mis à s’intéresser au sujet de la relocalisation, de la réindustrialisation, de la souveraineté, sans toujours prendre le temps de définir ce que cela recouvrait. Mais le combat est loin d’être gagné.

DA : Notre tissu industriel, composé aujourd’hui de nombreuses PME et de quelques grands groupes, mais de très peu d’entreprises de taille intermédiaire, est-il un handicap au rebond industriel ?

AVG : La désindustrialisation s’explique par le désintéressement d’une Nation à son industrie. Les pouvoirs publics se sont détournés de l’industrie en perdant une vision stratégique autour du sujet. Aujourd’hui, c’est le pays tout entier qui doit se remobiliser pour espérer une réindustrialisation durable. La désindustrialisation est liée à différentes défaillances dans l’écosystème industriel : les pouvoirs publics, le système bancaire, les industriels du fait de certains choix stratégiques, mais également le consommateur.

Parler de réindustrialisation ne signifie pas
que l’on va relancer toutes les industries du passé.

L’industrie de demain ne sera pas celle d’hier. C’est pourquoi nous parlons de « renaissance industrielle ». En France, nous ne ferons pas renaître les unités avec plus de 10 000 salariés qui ont été délocalisées ou fermées. Les unités de demain seront plus petites, plus automatisées et avec des compétences différentes. C’est sur l’évolution des compétences et des emplois dans notre pays que reposent les défis actuels car il y a une forte demande insatisfaite sur les métiers traditionnels, mais également des besoins à venir parfois difficiles à identifier. Le sujet des compétences pourrait être un frein majeur à la réindustrialisation.  

DA : Avoir pour nos industries une vision stratégique sur le long terme, partagée à la fois par les acteurs du secteur bancaire et par la haute administration, serait-il un sérieux atout pour réussir ce rebond industriel ?

AVG : Il est évidemment indispensable d’avoir une vision stratégique à long terme. Cela implique de décorréler le temps industriel du temps politique, car on ne peut pas nourrir une ambition industrielle si l’on change de majorité politique tous les 5 ans. Les choix industriels que nous faisons doivent également être en lien avec nos politiques en termes d’infrastructures. Il est impossible de penser le développement de technologies comme les véhicules électriques ou l’hydrogène, sans envisager les infrastructures nécessaires à leur déploiement. Il faut sûrement envisager de revenir à une forme de planification à la coréenne pour passer du vœu de la réindustrialisation à la réalité.

En France, les systèmes d’aides sont nombreux, mais ils pêchent par du saupoudrage et in fine ne donnent pas de véritable effet de levier. Il nous faut faire des choix et les articuler de manière intelligente à l’échelle locale, nationale et européenne.

Sans vision claire de notre feuille de route industrielle, nous complexifions aussi la vision des industriels qui pensent leur cycle d’investissement sur le temps long. Dire que l’on veut uniquement des véhicules électriques en 2035 ne suffit pas pour transformer un projet politique en une réalité industrielle. Il faut poser des jalons, décomposer la chaîne de valeur et choisir les maillons que l’on souhaite conserver ou développer en France. Que veut-on produire en France ? Quels industriels en ont les compétences ? A quoi va servir telle production ? Quelle politique d’aides, notamment de soutien à la demande, mettons-nous en place pour soutenir les usines françaises ? C’est à tout cela que l’on doit répondre.

Aujourd’hui, la feuille de route reste à écrire
collectivement et à différents échelons.

Les Régions ont un rôle essentiel à jouer car elles ont une très bonne connaissance des besoins de leurs territoires, mais doivent aussi œuvrer pour créer des synergies entre elles, pour mener des projets avec une ambition collective, pour partager les compétences et les moyens financiers. L’ambition doit être à la fois régionale, nationale et européenne, malgré qu’il existe aujourd’hui une certaine rivalité entre les États membres de l’Union européennes qui fait parfois désespérer de notre capacité à transformer l’essai.

DA : L’industrie de demain dans les territoires français et européen, passera par l’intégration de nouvelles briques de l’industrie 4.0. Je vous cite : robots, robots collaboratifs (cobots) et smart machines, Internet des objets (loT) et production de données, Big data et Intelligence Artificielle, simulation avancée, productivité additive, matériaux et processus innovants, réalité augmentée et réalité virtuelle. Comment arriver à réaliser cette transition majeure, à intégrer ces nouvelles briques dans le tissu industriel traditionnel, pour nous maintenir dans la course des nouveaux marchés porteurs ?

AVG : C’est une vaste question. On a listé en effet un ensemble de briques technologiques dont certaines existent depuis plus longtemps que d’autres. Elles n’ont pas pénétré tous les secteurs de la même façon. Par exemple, certains secteurs sont plus robotisés que d’autres comme l’illustre bien l’exemple de la microélectronique ou de l’automobile. Il existe également des disparités fortes au sein d’un même secteur, ainsi que d’une même usine à l’autre.  

Il me semble important de déployer avec intelligence ces technologies. Elles doivent répondre à un besoin spécifique, qui diffère selon les secteurs, et même selon les usines. Leur développement doit obéir à la résolution d’un « problème » technologique identifié. Depuis 4-5 ans, tout le monde s’est mis à parler d’industrie 4.0. C’est un concept allemand qui a été présenté en 2011 à la foire de Hanovre pour répondre aux spécifications allemandes, avec une ambition très forte qui partait d’un double constat : le premier étant que l’Allemagne était en train de se faire attaquer sur ses marchés par les GAFAM grâce à leur puissance capitalistique et leur maîtrise parfaite de la couche servicielle qui est l’un des enjeux de la réindustrialisation. Il s’agit de vendre non plus un produit, mais un produit avec un service associé. Lorsque Google travaille sur les véhicules autonomes, c’est lui qui maîtrisera la couche servicielle et donc à terme le lien avec le client, et c’est dans cette couche de services que se créera l’essentiel de la valeur. De fait, les constructeurs automobiles, s’ils ne réagissent pas, sont condamnés à devenir uniquement les fournisseurs des produits physiques, donc des sous-traitants.

Le deuxième constat de l’Allemagne est la montée en puissance de nouveaux entrants avec la Chine qui devient une puissance industrielle et d’innovation dans des secteurs comme les véhicules électriques et l’intelligence artificielle, où l’Europe accuse un retard très fort.

L’Allemagne a voulu résoudre à un « problème » technologique et économique identifié. La France, elle, a promu un concept, l’industrie du futur, mais s’est heurtée à deux problèmes : le manque de disponibilité des équipes en interne dans les entreprises industrielles, en particulier les PME, pour réfléchir à l’implémentation de nouvelles solutions ; et le manque de disponibilité des compétences sur le marché, encore rares il y a 4-5 ans. Il y avait également des questions à propos du retour sur investissement des différentes solutions et il est encore difficile à déterminer dans certains cas. Pourtant ses solutions sont souvent un levier de productivité et de compétitivité et présentent une opportunité pour relocaliser certaines productions.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont une approche différente de ces technologies.

Il ne faut pas penser la machine en premier lieu
comme un moyen de remplacer l’Homme, mais
comme un moyen d’aller au-delà des capacités humaines.

Les Allemands ont pensé leurs projets avec l’idée d’aller plus loin que l’humain et de le compléter. En France, dans de nombreux projets, la machine permet de réduire les ETP (Equivalent Temps Plein). Malgré les discours sur la place de l’humain, l’homme est encore beaucoup trop souvent une variable d’ajustement et n’est pas considéré comme une richesse au regard de tous ses savoir-faire pour l’entreprise.

Anaïs Voy-Gillis, réindustrialisation des territoires

DA : A nouvelles technologies, nouvelles compétences. Comment associer les nouvelles compétences et les compétences traditionnelles liées à la production ?

AVG : La première question est de savoir comment accompagner les gens dans des unités de production qui vont être transformées et automatisées, à monter en compétence pour adopter ces nouveaux outils. La deuxième est de savoir comment on forme aux métiers de demain en trouvant un équilibre entre les connaissances traditionnelles, notamment des matières et de leurs caractéristiques, tout en intégrant les transformations de l’usine et donc l’intégration de nouveaux outils dans les formations. Il reste essentiel de connaître les « traditions » de l’industrie avant d’en maîtriser ses nouvelles briques technologiques.

Il existe aussi une grande inconnue : les bouleversements liés au changement climatique vont poser de vraies questions sur le plan industriel. De la même manière, l’automatisation très poussée des usines pose des questions en termes de compétences. Sur l’aspect climatique, une des réponses est de revoir en profondeur nos modes de consommation : moins consommer et mieux consommer en quelque sorte avec de meilleurs produits et un meilleur usage de ceux-ci, avec par exemple le développement de système de partage et de prêt, envisager le développement de services associés aux produits pour se différencier, etc. Or, et cela est de nature à questionner le paradigme de l’industrie qui, dans une majorité de cas, repose sur un principe de massification de la production pour abaisser les coûts de production. Déjà la personnalisation de masse appelle à faire évoluer l’outil de production et pour passer d’un outil industriel de moyennes ou grandes séries à un outil de production de petites séries, le coût d’investissement est important.

Autre enjeu, autre inconnue : comment continuer à créer de la valeur, tout en tenant nos objectifs environnementaux ? Il faut donc chercher de nouveaux modèles de création de valeur, la couche de services autour des produits peut être une réponse, mais il va également falloir privilégier des choix de produits plus locaux. Nous nous retrouvons souvent face à notre propre contradiction de consommateurs.

Par ailleurs, une opération de relocalisation en France amène souvent à repenser totalement un produit afin de produire un bien similaire mais en limitant les surcoûts par rapport à une production étrangère.

Pour préserver notre création de valeur, il faut tendre
vers un rééquilibrage de la mondialisation, sans pour autant
entrer dans le mécanisme du protectionnisme.

Cependant, il est difficile de demander à nos industriels d’investir dans un contexte européen fortement réglementé et contrôlé sur les aides d’État, quand ils se retrouvent en compétition face à leurs homologues étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, notamment sur le plan environnemental et qui parfois sont même soutenus directement ou indirectement fortement par leur État d’origine. Le rééquilibrage est une nécessité et une urgence si l’Europe a l’ambition d’être le continent leader de la transition écologique. Il peut passer par une taxe carbone aux frontières européennes mais qui sous-entend que nous maîtrisions bien mieux des pans entiers de la chaîne de valeur industrielle. L’interdépendance est normale dans le contexte de la mondialisation, en revanche, dans certains domaines, notamment celui du raffinage des matières premières, nous sommes en situation de dépendance forte et nos choix européens contribuent à renforcer cette dépendance à des pays non européens.

réindustrialisation des territoires

DA : Un Euro-Réseau de coopération industrielle, sociale et environnementale est-il une solution à part entière pour accélérer et réussir ce rebond industriel de la Grande Région ?

AVG : Mille fois oui. 

La coopération transnationale, à l’échelle d’un territoire,
ou entre pays différents, est un enjeu majeur
pour répondre collectivement aux défis actuels.

La France exporte à l’échelle européenne avant de commercer avec l’Asie. En outre, l’existence de compétences et savoir-faire en dehors des régions françaises peut être une force pour les industriels français qui veulent conquérir de nouveaux marchés, mais aussi s’appuyer dessus pour leur développement industriel. Il devient important d’oser sortir de son écosystème classique pour développer de nouveaux produits et services.

En revanche, j’émets quelques réserves quant à nos différences de cultures économiques et politiques dans les régions transfrontalières. Par exemple, la problématique du chômage n’est pas la même en Lorraine qu’au Luxembourg ; les niveaux de salaire varient d’un côté ou de l’autre de la frontière ce qui peut nuire à un projet de coopération sur le temps long où chacun pourra être tenté de se replier sur lui, plutôt que d’envisager une solution collective.

Au cours de la crise sanitaire, on a pu observer à la fois un appel à la coopération européenne et un repli sur soi. Chaque pays a d’abord cherché à sécuriser ses approvisionnements en masques, même si cela devait être au détriment d’un autre par exemple. Il n’y a jamais eu autant de remise en cause du multilatéralisme à l’échelle mondiale. Ça laisse parfois un peu à désespérer…

Au sein d’un même pays, d’un même continent, les volontés de travailler ensemble sont pourtant sincères, mais il ne faut pas faire abstraction des différences culturelles qui peuvent par exemple susciter des réactions irrationnelles aux yeux des Français, mais normales pour des Belges ou des Luxembourgeois. Le débat autour du plan de relance européen a bien illustré ces visions très différentes qui peuvent freiner une coopération d’ampleur.

DA : La question environnementale est centrale dans le débat public. L’industrie est intimement liée à ces sujets de pollution. Pensez-vous qu’aujourd’hui l’artificialisation des zones naturelles peut être un frein pour l’implantation de nouvelles unités de production dans nos régions, et comment résoudre cette équation ?

AVG : C’est un vrai sujet. Personnellement je suis contre l’artificialisation de nouveaux sols, car la France regorge de friches industrielles qu’il conviendrait de réhabiliter. Toutefois, cela pose des questions d’acceptabilité. Nous souhaitons des usines de production de médicaments en France, mais en même temps rares sont ceux qui ont envie de voir une usine avec des principes actifs s’implanter à côté de chez eux. C’est tout le paradoxe. Sommes-nous prêts à accepter le risque inhérent à une activité industrielle, qui pourtant est davantage contrôlée dans notre pays que dans n’importe quel autre pays du monde ? Aujourd’hui, du fait de l’évolution des activités productives en France, la plupart des activités industrielles ne sont pas visibles. Nous savons rarement ce qui est produit dans les usines de nos territoires. Il faut donc redonner une visibilité sur les savoir-faire industriels nationaux, ouvrir les usines au public, expliquer les procédés de transformation de matières, etc. Avec la désindustrialisation, les industriels se sont repliés sur eux, je crois que pour réindustrialiser, il faut relier l’industrie à notre imaginaire national.

De surcroît, en poussant les usines à l’autre bout du monde,
on s’est totalement déresponsabilisé sur le plan environnemental.

En outre, les friches industrielles ont parfois des sols extrêmement pollués ou des bâtiments amiantés. Lorsqu’une nouvelle activité industrielle s’implante sur un site non dépollué, elle récupère le risque préexistant. Dans le cas d’implantation de nouvelles unités sur ces friches, à qui doit revenir la charge de responsabilité de la dépollution : l’industriel à l’origine de la pollution ou la collectivité ? Construire sur un site vierge coûte moins cher que conduire une opération de dépollution, il faut donc inventer des mécanismes incitatifs.

DA : Il est clair que ce sont des situations, des projets complexes qui intègrent une réflexion de fond. C’est un peu comme l’intelligence artificielle, et tout ce qui est lié au numérique : on pense acheter un produit fini, alors qu’on n’achète jamais un produit fini. Les produits livrés sont des systèmes avec des interactions. Il est important d’avoir une réflexion de fond et une réelle stratégie. Or, je ne suis pas certain qu’il y ait toujours cette stratégie.

AVG : Il n’est pas aisé d’avoir une approche systémique à l’échelle d’une usine et a fortiori à l’échelle d’un pays. Quel est l’intérêt de parler de neutralité carbone à l’échelle d’une unité de production, si on n’intègre pas les étapes amont et aval ? C’est sur l’ensemble de la chaîne de valeur qu’il faut regarder les impacts environnementaux et qu’il faut mettre en place un plan de réduction de ces impacts. Ainsi, il nous faut repenser en profondeur la manière dont on s’approvisionne, dont on développe les produits en intégrant des principes d’écoconception, d’emploi de matières recyclées, et qu’on intègre dès la phase de conception les possibilités de recycler le produit.

Le consommateur a aussi une responsabilité, par ses usages,
pour faire pression sur les industriels.

Chacun d’entre nous, en tant qu’individu, n’agit pas seulement pour soi à l’instant T, mais agit pour le bien commun et pour l’avenir.

DA : Comment attirer des capitaux étrangers pour réussir ce projet ambitieux qui est de renforcer le tissu productif existant et d’implanter de nouvelles activités transfrontalières ?

AVG : Selon les différents baromètres, la France est censée être le pays le plus attractif d’Europe en termes de capitaux étrangers. Il y a différentes natures de projets qui vont de l’extension de sites à l’implantation de nouvelles activités. Or, souvent il s’agit de projets d’extension de sites. L’attractivité économique suppose d’avoir des infrastructures, du foncier, des compétences et un écosystème disponibles. L’écosystème est véritablement clé car il s’agit à la fois de la possibilité de s’approvisionner au plus proche, mais également de la possibilité d’envisager des coopérations nouvelles.

Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises en France sont détenues par des fonds étrangers ou des entreprises étrangères, ce qui les fragilise eu égard à la structure du capital. Parce qu’en situation de crise, le territoire français pourrait être pénalisé par rapport au territoire d’origine du groupe. Ainsi, au-delà de l’attractivité du pays pour les capitaux étrangers, il y a également un enjeu pour la France de conserver ces pépites industrielles à capital étranger. La force de l’Allemagne, contrairement à la France, est d’avoir des entreprises détenues en majorité par des familles allemandes qui sont souvent plus patientes en termes d’investissements.

Par ailleurs, comment fait-on naître les startups qui seront les grands groupes de demain ? C’est un problème en France : nombreuses sont les entreprises innovantes françaises qui ont des idées géniales sur le plan industriel, mais qui ne trouvent pas les capitaux leur permettant de passer à la phase d’industrialisation. Pourquoi ? Parce qu’il y a un déficit de culture industrielle, notamment chez nos acteurs bancaires, qui préfèrent souvent soutenir des projets, dans le domaine des services, dont la rentabilité apparaît plus rapide, plutôt que de prendre le risque de financer toutes les phases d’un projet industriel, qui nécessite un effort sur le temps long.

Notre pays a perdu partiellement sa culture industrielle avec la désindustrialisation massive. On ne sait plus ce qu’est l’industrie, un métier industriel, une ligne de production… Le temps de l’industrie est un temps long. Si les Français ne renouent pas avec leur industrie, notre pays continuera certes d’attirer des capitaux étrangers, mais nous ne répondrons alors que partiellement à notre désir de regagner en indépendance.

L’ambition de tous, qui s’est révélée au travers de cette crise, est bien de redevenir une terre industrielle souveraine.

C’est d’avoir des capacités à créer de la valeur sur notre territoire pour soutenir notre modèle et se projeter en tant que nation dans le monde.

Un événement organisé par le C2IME, accélérateur de projets industriels en développement et en croissance, et partenaire officiel d’Optim’ease.

Intelligence économique, c2ime

La conférence s’est déroulée à Metz, pendant le temps fort du Comité de suivi et d’évaluation du C2IME.

Outre les membres de cette réunion,  vingt-cinq participants ont pu assister en visioconférence à la présentation d’Anaïs Voy-Gillis.

Voir la vidéo sur c2ime.eu

Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie

Docteure en géographie de l’Institut Français de Géopolitique (IFG), Anaïs Voy-Gillis a mené des recherches sur les enjeux et les déterminants de la réindustrialisation de la France. Elle est actuellement chercheuse associée à l’université de Haute-Alsace, au Laboratoire CRESAT.

Elle travaille par ailleurs au sein du cabinet June Partners, où elle effectue des missions de conseil opérationnel auprès de clients industriels.

En 2020, elle a publié deux ouvrages : Vers la renaissance industrielle, avec Olivier Lluansi (éd. Marie), et L’Union européenne à l’épreuve des nationalismes (éd. du Rocher).

Anaïs Voy-Gillis

Anaïs Voy-Gillis, réindustrialisation des territoires

Voir aussi

Ouvrage d’A. Voy-Gillis
Vers la renaissance industrielle, avec Olivier Lluansi, éd. Marie, 2020. Voir

Livre, Renaissance industrielle, réindustrialisation

Focus sur
l’Euro-Accélérateur

L’EURO-ACCELERATEUR
Un outil d’accélération de projets industriels, déployé sous le nom d’Euro-Accélérateur, vient d’être créé pour insuffler une dynamique transfrontalière au service de l’industrie de la Grande Région Sarre-Lor-Lux (Sarre, Lorraine, Luxembourg).

L’Euro-Accélérateur est d’ores et déjà opérationnel.

Hervé Bauduin

Hervé Bauduin, Réindustrialisation
Hervé Bauduin
©Arnaud-Bantquin

Chef de file Industrie Région Grand Est, Président de l’UIMM Lorraine, et initiateur de la Charte du Rebond Industriel, Hervé Bauduin annonce une construction en trois étapes de l’Euro-Accélérateur :

« On fait un prototype pour déterminer le processus, cela permet d’aller vite. On travaille, on ajuste, et quand ça marche, on déploie à plus grande échelle. On commence rapidement avec le Luxembourg car il y a un flux considérable entre nos deux pays. Puis très vite avec la Sarre, et enfin avec l’ensemble de la Grande Région. »

L’outil d’accélération de projets industriels a déjà fait ses preuves sur les territoires lorrains de la Région Grand Est.

Valérie Debord


Valérie Debord

Pour Valérie Debord, Vice-Présidente à l’Emploi et la Formation de la Région Grand Est, et Présidente de l’Observatoire Interrégional du marché de l’Emploi (OIE) de la Grande Région, il faut « relocaliser une part importante de notre industrie pour garantir notre indépendance et permettre aux intelligences, aux niveaux de compétences, aux salariés de s’exprimer, et aux entreprises de trouver des marchés. Les couples clients-fournisseurs doivent pouvoir se retrouver au niveau local. »

En savoir plus

Article
Euro-Accélérateur, dynamique transfrontalière au service de l’industrie, UIMM Lorraine (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie), Juillet 2021. Lire

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Ethique & Digital

L’automatisation du digital n’est qu’un moyen technique et non une fin en soi. Si le progrès technologique représente une opportunité pour les entreprises, la transformation numérique ne doit cependant pas se faire au détriment des personnes.

« La vitesse imposée par le numérique aujourd’hui inhibe une grande partie de notre réflexion et donne bien plus de poids à la masse statistique qu’à l’introspection. »

Cette citation extraite du livre de Yannick Meneceur, dans son ouvrage L’intelligence artificielle en procès (éd. Bruylant, 2020), nous a encouragé à créer un groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital.

Pour participer au groupe de réflexion sur l’Ethique et le Digital, nous vous invitons à vous préinscrire ci-dessous.

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